DVD de la semaine : "Portrait de la jeune fille en feu" , un grand film sur le désir et la frustration
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En 1770 en France, une jeune femme peintre, Marianne, est engagée par une bourgeoise pour peindre le portrait de sa fille Héloïse, en vue de la marier à un riche Italien. Mission délicate pour l’artiste car Héloïse qui refuse qu’on la marie de force à un inconnu s’est déjà dérobée au pinceau d’un précédent peintre. Marianne va donc se faire passer pour une demoiselle de compagnie auprès d’elle et l’observer pour reproduire son visage en secret. Les deux jeunes femmes, seules sur une ile bretonne, vont tomber éperdument amoureuses l’une de l’autre…
« Chorégraphier le désir ». C’est le projet que s’était donné la réalisatrice Céline Sciamma avec ce film ambitieux porté par deux actrices au sommet de leur art, Adèle Haenel et Noémie Merlant, habitées par la passion de leurs personnages. Depuis ses deux premiers films, « Naissance des pieuvres » et « Tomboy », la réalisatrice interroge le désir, et plus particulièrement le désir interdit ou tabou, celui qui ne se dit pas. C'est encore plus fort ici où la frustration, l'empêchement du désir est à la base de tout. Pendant le premier quart d'heure du film, on nous parle d'Héloïse sans jamais nous la montrer, attisant déjà le désir par un tableau inachevé, une anecdote tragique. Et la façon dont Sciamma va nous dévoiler son visage, dans une scène magnifique, est une vraie trouvaille romantique. On pense à "La leçon de piano" de Jane Campion, aux soeurs Bronté, aux tableaux de Casper Friedrich, aux films de fantômes aussi, dont la réalisatrice emprunte certaines figures imposées. Le vent qui souffle dans cette maison un peu sinistre avec ses grandes pièces à moitié vides, le mystère qui plane sur la soeur morte d'Héloïse, les miroirs qui renvoient des tableaux dissimulés, les foulards qui cachent les visages.
Il y a le désir de création. Le désir d'émancipation. Le désir d'aimer la personne qu'on a choisie, tout simplement.
Chaque image est composée comme une toile de maitre, la composition des plans, hyper travaillés, millimétrés et l'histoire d'amour est sublimée par le jeu des actrices, en état de grâce. Toutes deux sont d'ailleurs nommées aux César pour la Meilleure Actrice, tandis que Luana Bajrami, formidable elle aussi dans le rôle de la servante concourt dans la catégorie Espoir Féminin. Le film décroche 10 nominations pour le Film, la Réalisation, le Scénario, la Photographie, le Son, les Costumes, les Décors.
Le dernier plan, fixe, sur le visage d'Adèle Haenel, bouleversante, exprimant toutes les émotions pendant trois minutes sur un morceau de Vivaldi va vous chavirer à jamais !
"Portrait de la jeune fille en feu", Pyramide Vidéo, 19,99€
Réalisé par Céline Sciamma avec Adèle Haenel, Noémie Merlant, Luana Bajrami, Valeria Golino