"J'irai décrocher la lune", un autre regard sur la trisomie 21
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Ils ont la trentaine, vivent à Arras et sont tous nés avec un chromosome en plus. Ils sont porteurs de trisomie 21 et ont accepté d'être filmés par Laurent Boileau qui avait déjà réalisé pour France 3 en 2018 "C'est pour la vie", un doc sur le même sujet. Le parti pris du documentariste, c'est de s'intéresser à la vie quotidienne de ces trisomiques adultes. A leur quête d'autonomie et à leurs difficultés à gagner leur indépendance. Généralement, lorsque la trisomie est abordée dans un documentaire, c'est sur le plan scientifique ou éthique et toujours du point de vue des parents qui parlent de leurs jeunes enfants. Mais que se passe-t-il lorsqu'ils deviennent adultes ? Sont-ils capables de vivre seuls, de travailler, qui s'occupent d'eux, comment ça se passe au quotidien ? Laurent Boileau nous le montre et c'est une première.
On les découvre ainsi vivant dans leur petit appartement, faisant leur ménage eux-mêmes, travaillant, signant un CDI, aidés parfois par une auxiliaire ou une assistante sociale qui a la tâche difficile de les accompagner et les guider sans interférer dans leurs décisions. On découvre surtout des personnalités attachantes, certaines extraverties, d'autres plus renfermées.
Il y a Robin, le boute en train de la bande, qui bosse au service courrier d'une administration en rêvant de chanter en public comme Justin Bieber son idole. Robin qui prend soin de son apparence, repasse ses T shirts, coiffe soigneusement sa mèche, fait du yoga et n'hésite pas à prendre la parole en public. Robin terriblement émouvant lorsqu'il explique qu'il n'a pas choisi son handicap et qu'il n'est pas trisomique à l'intérieur, qu'il y a un autre Robin que celui qu'il voit dans le miroir.
Il y a Elise, qui a peur de dormir seule dans son appartement et qui a toujours du mal à compter les 5 euros de son déjeuner. Elise qui travaille dans une crèche, tantôt à la cantine, tantôt avec les enfants qu'elle accompagne dans leurs activités. Elise, hyper émotive, peureuse, besogneuse, qui a besoin d'une routine stricte et de repères visuels pour garder le cap et ne pas perdre pied.
Il y a Stéphanie, tellement timide qu'elle doit écrire ses phrases sur une feuille de papier avant de les prononcer et dont le rêve ultime est que ses parents lui paye une machine à laver. Il y a ce garçon qui joue du piano chez une vieille dame et dont on n'entendra à peine la voix. Cet autre qui aime regarder du catch à la télé et joue à se battre avec son copain...
Et puis il y a Eléonore, qui joue de la guitare, aide les autres trisomiques et se bat pour ne pas être infantilisée par la société. Eléonore Laloux, porte-parole du Collectif des Amis d'Eléonore a écrit un livre en 2014, "Triso et alors?" et a intégré la liste du maire d'Arras aux élections municipales de 2020. Eléonore est vive, drôle, pleine de répondant, à mille lieues de l'image qu'on se fait d'une trisomique.
Laurent Boileau filme ses protagonistes avec beaucoup de respect, de la tendresse et une infinie délicatesse. Il n'y a jamais de condescendance dans son regard et encore moins de voyeurisme ou de pathos. Si on a le coeur serré et la larme à l'oeil deux ou trois fois, le film est résolument optimiste et rend hommage aux travailleurs sociaux qui accompagnent les trisomiques malgré les lourdeurs administratives et les difficultés de ces hyper émotifs. Après ce film, c'est sûr, vous ne les appelerez plus jamais des mongoliens.
"J'irai décrocher la lune "de Laurent Boileau, le 18 Mars au cinéma