Le DVD de la semaine : "Gloria Mundi" de Robert Guédiguian

Le DVD de la semaine : "Gloria Mundi" de Robert Guédiguian

Oubliez le Marseille de l'Estaque, des ouvriers engagés, de la solidarité, oubliez le Marseille ensoleillé de "Marius et Jeannette" ! Dans "Gloria Mundi" son dernier film, le réalisateur Robert Guédiguian nous dévoile le nouveau visage de la cité phocéenne où il ne fait plus aussi bon vivre. Un Marseille urbain et déshumanisé où règne la loi du plus malin, du plus cynique. Un Marseille où les migrants squattent sur le port, où les ouvriers paupérisés n'ont même plus l'énergie de faire grève, tandis qu'une jeune génération éblouie par le discours de Macron et de l'ultralibéralisme monte des start-up en exploitant la misère des autres et se proclame "premier de cordée"...

C'est l'histoire d'une famille recomposée qui va sombrer dans la tragédie. Le film débute par une scène heureuse, avec la naissance de Gloria, la fille de Mathilda (Anaïs Demoustier). Sa grand-mère, Sylvie, jouée par Ariane Ascaride décide d'en avertir le grand-père incarné par Gérard Meylan, en prison pour meurtre. Sylvie a refait sa vie avec Richard (Jean-Pierre Darroussin, excellent) et ils ont eu Aurore qui vit avec Bruno, le démerdard de la famille, le seul qui vit dans le confort. Le jeune couple a ouvert un dépôts-ventes un peu louche et s'enrichit en retapant et revendant les objets que les plus pauvres apportent pour quelques billets. Ca marche tellement bien qu'ils vont ouvrir un autre magasin, plus branché celui-là, dans un quartier chic cette fois. Aurore et Bruno ont la belle vie, s'en mettent plein le pif et font des sextape, c'est le côté un peu too much du film, Guédiguian force le trait et l'on devine ici tout son mépris pour cette jeunesse biberonnée à la télé réalité, qui veut du fric très vite sans se donner de mal et qui, par rapport à la génération précédente, n'a aucun repère, aucune idéologie, aucune conscience politique. Les parents, Sylvie et Richard, se désolent de les voir pratiquer le "chacun pour sa gueule" mais ont baissé les bras face à leur cynisme. Lorsqu'ils invoquent la solidarité familiale et demandent à Bruno d'aider Mathilda, vendeuse à l'essai et son mari chauffeur Uber endetté, on sent bien que ça coince. D'ailleurs les parents aux-même n'ont plus les moyens de se rebeller comme on le voyait dans les précédents films de Guédigian. Ici, le personnage incarné par Ariane Ascaride refuse de faire grève parce qu'elle a trop besoin de son salaire de femme de ménage tandis que son mari chauffeur de bus est menacé de suspension après avoir téléphoné en conduisant...

Bref, le film, le plus sombre de Guédiguian, oppose "ceux qui ont réussi" à "ceux qui ne sont rien" selon les mots, terribles, du président Emmanuel Macron. Le réalisateur, en colère, y dénonce ce nouveau monde où « la nécessité du partage a cédé la place à ce fléau mortel qu’est la volonté de chacun de posséder ce que les autres possèdent" et où « les dominés soutiennent le discours des dominants ». Comme Ken Loach dans "Moi, Daniel Blake", Guédiguian, dresse un constat désabusé, désenchanté du monde. Mais malgré la dureté du film, "Gloria Mundi"  est émaillé d'éclairs d'espoir grâce au personnage incarné par Gérard Meylan, l'ex-taulard en quête de rédemption qui philosophe, écrit des haïkus et berce sa petite-fille avec une infinie tendresse. Merveilleusement interprété par une troupe de comédiens géniaux (Prix d'interprétation au festival de Venise pour Ariane Ascaride), le film est une tranche de vie incroyable à voir absolument !  

 

Le 2 Juin  : DVD "Gloria Mundi", Diaphana édition, 19,99€

de Roberto Guédiguian avec Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Anaïs Demoustier, Gérard Meylan, Lola Naymark, Grégoire Leprince-Ringuet

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