L'expo : Vivian Maier, photographe du réel

C'est l'histoire d'une nounou passionnée de photographie qui devint célèbre après sa mort...

L'exposition qui lui est consacrée au Musée du Luxembourg vous invite à un formidable voyage dans les années 50 et 60 dans les rues de New York et Chicago. Un parcours envoutant dans le noir et blanc, une vision personnelle des Etats Unis, un regard profondément humain sur son prochain.

Née le 1er février 1926 à New York, d'une mère française et d'un père américain d'origine autrichienne, Vivian quitte les Etats Unis très tôt, au divorce de ses parents. Sa mère obtient sa garde et l'emmène vivre chez une amie photographe qui jouit d'une certaine notoriété dans le métier et qui va faire découvrir la photo à Vivian. La petite fille a 6 ans quand sa mère décide de vivre en France. Elles y resteront jusqu'aux 12 ans de la fillette avant de rentrer à New York. Après la Seconde Guerre Mondiale, Vivian hérite de sa grand-mère et la photo devient son hobby. Elle se promène toujours avec ses deux appareils en bandoulière. En 1951, elle est engagée comme nounou dans une famille de Southampton et s'achète enfin un appareil de pro, un Rolleiflex, qu'on peut voir dans une vitrine de l'exposition qui lui est consacrée au Musée du Luxembourg. Tout au long de sa vie, la gouvernante va amasser plus de 200 cartons de négatifs et de clichés pris dans la rue, la plupart en noir et blanc, sans jamais proposer son travail à des galeries. Elle adorait se promener dans les rues et capter des instants de vie, tirer le portrait des gens qu'on ne regarde pas, capturer des visages à l'improviste, observer les détails que personne ne voit. Elle aimait se perdre dans les quartiers populaires et capturer une grimace amusante, un reflet étonnant, une posture bizarre. A une époque où la société de consommation bat son plein, Vivian préférait photographier les oubliés du rêve américain, les ouvriers, les gamins des rues, les Noirs, les sans domicile. Son sens de l'observation fait merveille et il lui fallait rester des heures à l'affût pour trouver le bon angle, la photo qui raconte une histoire, comme ce couple qui se dispute dans la rue ou ces pieds d'enfant qui émergent d'une piscine. Drôles, tendres, mélancoliques, ses clichés font revivre l'Amérique urbaine et sont d'une pure beauté. 

Dans les années 90, l'ex nounou qui vit désormais à Chicago est sauvée de la misère par ceux dont elle s'occupait naguère, les fils Gensburg devenus adultes. Les trois hommes qui la décrivent comme une sorte de Mary Poppins l'installent dans un petit appartement puis veilleront à ce qu'elle intègre une maison de retraite lorsque l'octogénaire glisse sur une plaque de verglas. Vivian Maier meurt le 20 avril 2009. Deux ans avant sa mort, ses clichés, toujours stockés dans un garde-meuble ont été vendus aux enchères puisqu'elle ne pouvait plus payer les frais de stockage. C'est un certain John Maloof, 25 ans, chineur et passionné de photo qui achète le lot comptant des dizaines de milliers de clichés. Il va d'abord essayer de les vendre sur eBay et attirer ainsi l'attention d'un professeur d'art qui lui fait réaliser le talent de la photographe. Maloof cherchera à rencontrer Vivian Maier mais trop tard. Il publie plusieurs de ses clichés sur son blog et les photos deviennent virales. Un livre puis un article dans le Wall Street Journal intitulé "The Nanny's Secret", Le secret de la nounou, en 20012 vont enfin permettre de reconnaitre le talent de l'artiste.

Vivian Meier aurait réalisé quelque 120.000 photos dont certaines n'ont été développées qu'après sa mort. 

Les trois frères Gensburg, dont elle fut la gouvernante de 1956 à 1972 ont publié cette notice nécrologique à sa mort :

« Vivian Maier, originaire de France et fière de l'être, résidente à Chicago depuis ces cinquante dernières années, est morte en paix lundi. Seconde mère de John, Lane et Matthew. Cet esprit libre apporta une touche de magie dans leur vie et dans celles de tous ceux qui l'ont connue. Toujours prête à donner un conseil, un avis ou à tendre une main secourable. Critique de film et photographe extraordinaire. Une personne vraiment unique, qui nous manquera énormément et dont nous nous souviendrons toujours de la longue et formidable vie. »

"Vivian Maier", au Musée du Luxembourg jusqu'au 16 janvier 2022

Du lundi au dimanche, 10H30 à 19h, nocturne le lundi jusqu'à 22h

​​​​​​​Tarif: 21€, gratuit pour les moins de 16 ans